• La Mort -Théophile Gautier

    Pour guide nous
    avons une vierge au teint pâle

    Qui jamais ne
    reçut le baiser d'or du hâle

    Des lèvres du soleil.
    La joue est sans couleur et sa bouche bleuâtre,
    Le bouton de sa gorge est blanc comme l'albâtre,
    Au lieu d'être vermeil.

    Un souffle fait plier sa taille délicate;
    Ses bras plus transparents que la jaspe ou l'agate

    Pendent languissament;

    Sa main laisse échapper une fleur qui se fane
    Et, ployée à son dos, son aile diaphane
    Reste sans mouvement.

    Plus sombresque la nuit, plus fixes que la pierre,
    Sous leur sourcil d'ébène et leur longue paupière

    Luisent ses deux grands yeux;

    Comme l'eau du Léthé qui va muette et noire,
    Ses cheveux débordés baignent sa chair d'ivoire
    A flots silencieux.

    Des feuilles de ciguë avec des violettes
    Se mêlent sur son front aux blanches bandelettes

    Chaste et simple ornement;

    Quant au reste,
    elle est nue, et l'on rit et l'on tremble

    En la voyant venir; car elle a tout ensemble
    L'air sinistre et charmant.


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